La virée d’Amine Laabi en Gaspésie

Mordre dans la vie

J’étais à l’accueil de la réserve faunique, la soirée était déjà bien avancée, et je m’occupais à me familiariser avec la carte des 57 km² de territoire qui allaient devenir notre terrain de jeu pour les jours à venir. Du coin de l’œil, j’aperçois au loin un véhicule utilitaire sport s’approcher lentement, du genre qu’on croise au cœur de la forêt : robuste et empreint d’un esprit d’aventure.

En arrivant à ma hauteur, la fenêtre s’abaisse, et un visage souriant me salue avec énergie. Ce qui me frappe immédiatement, en lui serrant la main pour la première fois, c’est son charisme. Amine dégage une chaleur humaine qui met instantanément à l’aise.

Durant nos premiers échanges, il m’explique qu’il est sur la route depuis quelques jours et qu’il arrive tout juste d’une pêche aux huîtres dans le golfe du Saint-Laurent, du côté de Carleton-sur-Mer. Je lui propose alors de l’accompagner à son chalet pour qu’il profite d’un moment de repos avant la longue journée de pêche du lendemain. Cette option n’était pas dans les plans. Il rêve depuis trop longtemps au saumon gaspésien et il aimerait découvrir le secteur dès ce soir. J’adore!

Je contacte Yves Briand, le directeur de la réserve faunique, et lui demande de venir nous rejoindre pour nous faire visiter les lieux. Pêcheur chevronné, il sera le guide et le mentor d’Amine pour les prochains jours. Et déjà, je vois qu’une complicité s’installe entre les deux. La personnalité colorée d’Yves colle parfaitement à celle d’Amine.

En les observant tous les deux, et en me laissant captiver par la beauté de la rivière Port-Daniel et de ses eaux cristallines, je comprends que le séjour s’annonce passionnant.

Petit train va loin

Cinq heures du matin, les cuissardes sont enfilées et le chapeau de pêche, sur la tête. Amine nous attend de pied ferme, Yves et moi, aux bords de la fosse n^o 6, notre point de rassemblement. La chaleur est déjà écrasante et les premiers rayons du soleil commencent à sortir. Malgré tout, je sens la fébrilité de l’équipe, et surtout celle de notre invité. Après un cours 101 sur la pêche au saumon et sur l’utilisation d’une canne à moucher, Amine exécute son premier « lancer ». Éclats de rire dans le groupe! S’il veut mettre la main sur un saumon durant son séjour, Amine comprend qu’il aura du travail à faire.

Au fil des lancers et des discussions, Amine s’ouvre à moi et me raconte peu à peu son histoire. J’apprends qu’il est né à Rabat, la capitale du Maroc, et qu’il est arrivé au Québec à onze ans, accompagné de sa famille. En me parlant de sa culture d’origine, je comprends vite pourquoi celle-ci influence autant sa cuisine d’aujourd’hui : moments en famille, esprit de partage, plats généreux, saveurs marquées et produits frais. C’est avec des valeurs profondes et un riche bagage culinaire qu’il entame ses premiers pas en cuisine dans une école qui enseigne les bases de la cuisine française : un passage obligé pour ceux et celles qui rêvent, comme Amine, de travailler dans de grands restaurants.

Rapidement après sa formation, il multiplie les voyages, les rencontres et les occasions de parfaire ses compétences. Il apprend des meilleurs au sujet de la cuisine espagnole, portugaise, italienne et marocaine. Comme quoi le fil conducteur de la cuisine méditerranéenne n’est jamais bien loin. Et finalement, c’est le déclic! La grande réalisation de son identité culinaire et de son « pourquoi » se cachait tout simplement dans l’acceptation de sa nature profonde. C’est à ce moment qu’il me dit : « Oui, je suis un chef… Mais à la fin de la journée, je suis juste un gars qui veut partager ». Une phrase pleine de sens quand l’on prend le temps de connaitre le personnage.

La journée avance et finalement, Amine et moi, on réalise que les touches ont été peu nombreuses. Mais ça n’a plus d’importance, car Amine se sent profondément bien : à la fois déconnecté du quotidien, mais connecté à la nature qui l’entoure. C’est ça la beauté de la pêche! En quelques heures seulement, il s’est rendu compte que sortir le poisson de la rivière est passé au second plan. C’est maintenant le fait d’être sur place, dans le moment présent, à pratiquer le même mouvement et à partager des histoires avec d’autres humains qui prend le dessus sur le reste.

Après une journée riche en apprentissages, marquée par la patience, les échanges et l'humilité face à la nature, Amine avait envie de clore cette aventure à sa manière : en cuisinant. Parce que pour lui, la meilleure façon de remercier un lieu et les gens qui l’entourent, c’est de partager un bon repas. Et quoi de mieux qu’un plat généreux, aux saveurs méditerranéennes, préparé avec des produits locaux pour faire honneur à cette escapade en Gaspésie?

À propos de la pêche au saumon

Au cours des deux dernières années, le suivi des populations a permis d’observer des montaisons historiquement faibles dans la plupart des rivières du Québec.

Pour remédier à cette situation et mieux protéger les saumons atlantiques, le ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a annoncé de nouvelles modalités de pêche au saumon qui seront en vigueur en 2025.

Dans ce contexte, il est essentiel que les adeptes de la pêche soient bien informés des bonnes pratiques à adopter. Le Code d’éthique du pêcheur au saumon de la Sépaq constitue à cet égard une excellente ressource, que ce soit pour s’initier à cette activité ou simplement rafraîchir ses connaissances.